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Ministère du Travail

La grève, le lock-out, le piquetage et le maintien des services essentiels

Des moyens de pression peuvent être exercés, par le syndicat ou l’employeur, pour tenter de contraindre son vis-à-vis à accepter certaines propositions dans le cadre d’une négociation collective. D’une part, le syndicat peut faire grève. D’autre part, l’employeur peut décréter un lock-out. Dans certaines entreprises de services publics ou dans les secteurs public et parapublic, le lock-out est interdit, car des services essentiels doivent être maintenus pour la sécurité et la santé du public. Le droit de grève dans de telles entreprises fait l’objet de dispositions particulières.

La grève et le lock-out constituent des moyens reconnus et légaux pour favoriser la conclusion d’une convention collective.

Les définitions de la grève et du lock-out

Qu’est-ce qu’une grève?

Une grève est la cessation concertée de travail par un groupe de salariés [art. 1, paragr. g]. Elle sert généralement de moyen de pression pour amener l’autre partie à modifier sa position au regard de la négociation d’une convention collective.

Est-il permis aux salariés de diminuer leur production ou de ralentir leurs activités?

Un ralentissement de travail destiné à limiter la production est interdit [art. 108]. Tant que la grève n’est pas exercée, il est interdit de conseiller à des salariés de ne pas continuer à fournir leurs services à leur employeur aux mêmes conditions de travail [art. 60].

Qu’est-ce qu’un lock-out?

Le lock-out est le refus pour un employeur de fournir du travail à ses employés salariés dans le but de les contraindre à accepter ses offres au sujet des conditions de travail devant figurer à la convention collective [art. 1, paragr. h)].

L’obtention du droit de déclencher une grève ou un lock-out

À défaut d’entente entre les parties négociatrices et en l’absence d’arbitrage d’un différend, y a-t-il nécessairement grève ou lock-out?

Non. Les parties peuvent cesser temporairement la négociation et continuer d’appliquer les conditions de travail contenues dans la convention collective expirée. Toutefois, neuf mois après l’échéance d’une convention collective, une autre association peut chercher à déplacer celle qui n’a pas convenu d’une nouvelle convention si aucune grève, aucun lock-out ou aucun arbitrage du différend n’a lieu.

Toute grève est interdite en toute circonstance aux policiers et aux pompiers à l’emploi d’une municipalité ou d’une régie intermunicipale [art. 105]. En contrepartie, le lock-out est également interdit [art.109].

À quel moment une grève peut-elle avoir lieu?

Une grève peut avoir lieu à l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la réception d’un avis de négociation ou de la date où cet avis est considéré comme ayant été reçu (voir les questions A-2 et A-3 du chapitre III). Par contre, une grève ne peut avoir lieu en cours de convention collective, à moins que celle-ci ne comporte une clause de réouverture de la négociation en ce qui a trait à certaines matières [art. 107].

Y a-t-il un délai à respecter avant de décréter un lock-out?

Le lock-out est interdit, sauf dans le cas où une association de salariés a acquis le droit de grève [art. 109].

L’exercice du droit de lock-out est sujet aux mêmes délais que l’exercice du droit de grève (voir la question précédente).

Outre le délai à respecter, quelles sont les formalités à remplir pour déclarer une grève ou un lock-out?

Un vote de grève doit être tenu pour qu’une grève puisse avoir lieu. Ce vote, tenu au scrutin secret auprès des salariés membres du syndicat et compris dans l’unité de négociation visée par l’éventuel mouvement de pression, doit être remporté à la majorité par les salariés ayant exercé leur droit de vote [art. 20.2]. La tenue du vote doit avoir été annoncée aux membres au moins 48 heures à l’avance. Un avis doit également être envoyé au ministre responsable de l’application du Code du travail dans les 48 heures suivant la déclaration d’une grève ou d’un lock-out [art. 58.1]. Cet avis n’est toutefois qu’une formalité et non un critère d’obtention du droit.

Avant de déclarer une grève dans un service public [art. 111.0.16], le syndicat doit donner un avis préalable d’au moins sept jours ouvrables francs indiquant le moment où le syndicat entend recourir à la grève au ministre, à l’employeur et au Tribunal administratif du travail [art. 111.0.23].

Que se passe-t-il si les formalités à remplir pour engager une grève ne sont pas respectées?

En plus d’être susceptible de demandes d’ordonnance ou de poursuites de la part de l’employeur (voir à ce sujet le point VII, la question C, -5 du chapitre VII), le syndicat s’expose à des poursuites pénales qui peuvent être intentées en Cour du Québec par un salarié membre de l’association si les formalités du vote de grève n’ont pas été remplies [art. 20.2 et 148].

L’exercice du droit de grève ou de lock-out

Un employeur peut-il engager des personnes pour remplacer des salariés en grève ou en lock-out?

Non. Le Code du travail comporte des dispositions interdisant à l’employeur le recours à des personnes assimilées à des briseurs de grève. Notamment, il ne peut engager de personnel (cadre ou salarié) après le début de la phase de négociation pour remplir les fonctions d’un salarié en grève ou en lock-out.

La même interdiction vaut pour l’utilisation, dans l’établissement où a lieu la grève ou le lock-out, du personnel d’un autre employeur. Quant aux salariés d’un autre établissement de l’employeur, celui-ci ne peut utiliser leurs services dans l’établissement où a lieu la grève ou le lock-out. Cependant, le recours à la sous-traitance externe n’est pas interdit si le travail est effectué par le personnel d’un autre employeur dans un autre établissement.

Par ailleurs, même si un salarié faisant partie de l’unité de négociation en conflit voulait continuer d’effectuer son travail malgré la grève ou le lock-out, il lui serait interdit de le faire et il serait également interdit à l’employeur d’utiliser ses services, dans l’établissement visé par le conflit ou ailleurs, à moins d’entente avec le syndicat [art. 109.1].

Qui peut continuer à exercer ses fonctions dans un établissement touché par une grève ou un lock-out?

Essentiellement, seuls les cadres de l’établissement où a lieu la grève et les salariés ne faisant pas partie de l’unité de négociation en grève ou en lock-out peuvent continuer à effectuer le même travail pendant le conflit. Par contre, seuls les cadres de l’établissement où se situe l’unité de négociation visée par la grève ou le lock-out peuvent remplir les fonctions des salariés en conflit, à la condition supplémentaire qu’ils aient été embauchés avant la date qui marque le début des négociations.

Que peut faire un employeur lorsque des biens risquent d’être perdus ou détériorés pendant une grève ou un lock-out?

Le Code du travail permet à un employeur d’embaucher du personnel de remplacement uniquement afin de s’assurer que des biens, comme des matières périssables ou de l’équipement de production, ne seront pas perdus ou gravement détériorés. Ce personnel ne peut en aucun cas permettre la continuation de la production et des activités de l’entreprise [art. 109.3].

Quels sont les recours dont dispose un syndicat en cas d’utilisation de briseurs de grève par l’employeur?

Le syndicat peut demander au ministre responsable de l’application du Code du travail de dépêcher un enquêteur sur les lieux [art. 109.4]. Il peut aussi porter plainte au Tribunal administratif du travail afin qu’une ordonnance enjoignant l’employeur de cesser d’employer des remplaçants soit rendue. Des poursuites pénales peuvent également être déposées à la Cour du Québec à l’encontre de l’employeur et des briseurs de grève [art. 142.1]. Des amendes allant jusqu’à 1 000 $ par jour peuvent être imposées.

Que peut faire un employeur en cas de grève illégale?

L’employeur peut déposer une requête au Tribunal administratif du travail afin qu’il ordonne au syndicat et aux salariés de cesser de participer ou d’autoriser la participation à une telle grève [art. 111.33, paragr. 4)]. Le Tribunal pourrait, à cette occasion, ordonner le paiement de dommages et intérêts. Des recours pénaux peuvent également être exercés à l’encontre des salariés et des dirigeants syndicaux [art. 142]. Des amendes allant de 25 $ à 100 $ par jour pour un salarié, de 1 000 $ à 10 000 $ par jour pour un dirigeant syndical et de 5 000 $ à 50 000 $ par jour pour une association de salariés peuvent être imposées pour la déclaration ou la provocation d’une grève illégale ou encore la participation à une telle grève.

Quelle action met généralement fin à une grève ou un lock-out?

La grève ou le lock-out se termine habituellement par la conclusion d’une convention collective. Un protocole de retour au travail est généralement conclu à cette occasion. La décision d’un arbitre de différends de procéder à l’arbitrage du différend y met également fin.

Qu’est-ce qu’un protocole de retour au travail?

Un protocole de retour au travail est une entente, entre l’employeur et le syndicat, visant à ce que le retour au travail se fasse dans le meilleur climat possible. Cette entente peut notamment prévoir l’abandon de poursuites judiciaires ou de griefs, l’ordre de rappel des salariés au travail ou ce qu’il adviendra de certains droits des salariés pendant la grève, tels que les contributions au régime d’assurances collectives ou l’accumulation de l’ancienneté. Il n’est pas obligatoire de conclure un tel protocole, car le Code du travail n’en traite pas. Le Code prévoit cependant qu’au terme d’une grève ou d’un lock-out, un salarié a droit de retrouver son emploi de préférence à toute autre personne [art. 110.1].

Le piquetage est-il protégé par le Code du travail?

Le Code du travail ne traite pas du piquetage. Ce sont les tribunaux qui, souvent par le recours à une injonction de la part d’employeurs, ont défini certaines limites s’appliquant à ce droit. En règle générale, le piquetage pacifique, non assorti d’intrusion, d’intimidation, de diffamation, de menace, de nuisance à la circulation ou de déclarations mensongères, est jugé licite, peu importe l’endroit où il a lieu. En pratique, les jugements limitent souvent le nombre de piqueteurs.

Les services essentiels

Quels secteurs peuvent être concernés par le maintien des services essentiels?

Trois secteurs peuvent être concernés par le maintien des services essentiels :

  • les services publics, telles une municipalité, une entreprise d’enlèvement des déchets ou une entreprise de services ambulanciers;
  • le réseau de la santé et des services sociaux;
  • la fonction publique.

Seul le secteur des services publics fera l’objet de cette section [art. 111.0.16].

Comment détermine-t-on si un service public sera assujetti à l’obligation de maintenir des services essentiels?

Sur recommandation du ministre responsable de l’application du Code du travail, le gouvernement peut, par décret, ordonner à un employeur et à une association accréditée de maintenir des services essentiels en cas de grève dans un service public tel que défini à l’article 111.0.16 du Code du travail s’il est d’avis qu’une grève pourra y avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique [art. 111.0.17]. Seuls les services publics visés par un décret du gouvernement sont assujettis à cette obligation.

Comment les droits de grève et de lock-out sont-ils touchés par le maintien des services essentiels?

Le lock-out est interdit dans un service public visé par un décret de services essentiels [art. 111.0.26]. En ce qui concerne le droit de grève dans un service public visé par un décret de services essentiels, les parties doivent s’entendre sur les services essentiels à y maintenir. Les parties doivent ensuite transmettre leur entente au Tribunal administratif du travail, qui en évalue alors la suffisance [art. 111.0.18 et 111.0.19].

Que se passe-t-il si les parties n’arrivent pas à conclure une entente sur les services essentiels?

En l’absence d’entente, une liste des services jugés essentiels à maintenir en cas de grève doit être dressée par le syndicat et soumise à l’employeur et au Tribunal administratif du travail. Ce dernier évalue la suffisance de cette liste et dispose de pouvoirs pour en recommander la modification ou pour en assurer le respect [art. 111.0.19].

L’exercice de la grève est-il encadré par d’autres obligations?

La grève ne peut être déclarée à moins que l’entente ou la liste n’ait été transmise au Tribunal administratif du travail et à l’employeur depuis au moins sept jours civils. De plus, avant qu’une grève soit déclarée, un avis préalable d’au moins sept jours ouvrables francs indiquant le moment où le syndicat entend recourir à la grève doit être donné au ministre responsable de l’application du Code du travail, à l’employeur et au Tribunal administratif du travail [art. 111.0.23].

Existe-t-il des mesures de contrôle des services essentiels rendus à la population?

Le Tribunal administratif du travail est doté de pouvoirs de redressement qui lui permettent de faire enquête et d’intervenir à l’occasion de conflits dans les services publics. Si le Tribunal estime qu’un conflit illégal ou au cours duquel les services essentiels prévus à une liste ou une entente ne sont pas rendu porte préjudice ou est vraisemblablement susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit, il peut, après avoir fourni aux parties l’occasion de présenter leurs observations, rendre une ordonnance pour que ce service soit assuré au public [art. 116. et 111.17].

De plus, lorsqu’une grève est appréhendée ou en cours, si le gouvernement juge que les services essentiels prévus ou effectivement rendus sont insuffisants et que cela met en danger la santé ou la sécurité publique, il peut sur recommandation du ministre responsable de l’application du Code du travail suspendre l’exercice du droit à la grève [art. 111.0.24].