Rapport synthèse du Forum d'échanges sur les innovations en relations du travail
p>Forum sur les innovations en relations du travail Montréal, Centre des congrès, 7-8 février 2000
Jean Boivin, professeur
Département des relations industrielles, Université Laval
En collaboration avec le Comité organisateur du Forum
Avril 2000
- Introduction : la dynamique du changement
- Présentation des résultats
- Les thèmes dateliers
- Linnovation dans les rapports patronaux-syndicaux abordée sous langle du partenariat
- Linnovation dans les modes de négociation
- Linnovation dans le style de gestion
- Linnovation dans lorganisation du travail
- Linnovation liée à la formation
- Linnovation dans laction syndicale
- Limportance des attitudes et des comportements
- Pratiques pour assurer la pérennité des changements ou faciliter la résurgence des innovations
- Le contenu des innovations
- Les thèmes dateliers
- Conclusion
Introduction : la dynamique du changement
Afin daborder la présentation des résultats qui émanent du Forum, nous proposons un cadre de référence qui repose sur la dynamique du changement.
Parler dinnovations, cest parler de CHANGEMENT. Le changement soppose à une situation considérée comme la façon habituelle ou normale de faire les choses; bref, le changement soppose au statu quo.
Même si le Forum portait sur les innovations en relations du travail, plusieurs participants ont également fait référence à des innovations concernant le fonctionnement plus général des organisations (le style de gestion de lemployeur et la réorganisation du travail notamment, ainsi quau fonctionnement de lorganisation syndicale). La portée des innovations dont il sera question doit donc être évaluée en fonction dun système de relations industrielles dit " traditionnel " qui possède les caractéristiques suivantes :
- Au niveau des relations du travail et du rôle du syndicat, laccent est mis sur la divergence des intérêts entre lemployeur et les salariés et sur le nécessaire rapport de force que le syndicat doit constamment exercer pour que le bien-être de ses membres soit assuré tant lors de la négociation des conventions collectives que dans le fonctionnement quotidien de lorganisation (restriction des droits de gérance).
- Au niveau du style de gestion, le mode de gestion dominant est le mode autocratique.
- Au niveau de lorganisation du travail, cest la division " tayloriste " du travail qui prédomine.
Un élément crucial qui a longtemps influencé le fonctionnement du système traditionnel de relations industrielles, était la stabilité de lenvironnement externe. Cette stabilité permettait une croissance graduelle des organisations qui saccompagnait dune amélioration correspondante des conditions de travail des salariés. Même si cette période a été marquée de nombreux conflits de travail, ceux-ci étaient habituellement de courte durée et leur portée était limitée puisque les enjeux concernaient principalement la répartition plus équitable des fruits de la croissance économique. Les syndicats ne remettaient pas ou peu en question la manière autocratique de gérer des entreprises ni la division tayloriste du travail et les employeurs ne cherchaient ni à faire des syndicats des partenaires dans lentreprise ni (à lautre extrême) à se débarrasser de ceux-ci.
Les changements dans lenvironnement externe des entreprises, caractérisés par la mondialisation des échanges commerciaux et lintensification de la concurrence dans le secteur privé et par les difficultés financières des différents niveaux de gouvernement, ont bouleversé tout cela. Finie la croissance stable qui permettait dassurer une hausse constante du niveau de vie des salariés et dincorporer certains changements de façon graduelle via la négociation de positions. Désormais, lemphase nest plus mise sur la répartition de la richesse mais sur la création de celle-ci. Les entreprises remettent de plus en plus en question leur style de gestion ainsi que lorganisation tayloriste du travail et, comme le titre dun atelier la si bien évoqué, elles doivent maintenant faire appel au " génie ouvrier " pour tirer leur épingle du jeu.
Cette transformation du contexte a aussi eu pour effet de remettre en question les méthodes daction traditionnelles des organisations syndicales. Dun côté, lintensification de la concurrence et les risques de fermeture dentreprises ont réduit substantiellement leur pouvoir de négociation; de lautre, plusieurs employeurs ont cherché à associer le syndicat à des démarches conjointes de transformations organisationnelles. Cest pourquoi, on a assisté à une diminution importante tant du nombre que de lintensité des conflits de travail (mesurée en jours/personnes de travail perdus) au cours des quinze dernières années. Malgré tout, lorsque les enjeux de la réorganisation sont trop grands ou que les parties ne font pas la même lecture des pressions de lenvironnement, des conflits surgissent néanmoins et ceux-ci sont parfois même plus longs et le dénouement plus dramatique que ceux des années passées.
Deux autres considérations sont à souligner. Dabord, les innovations dont les participants ont fait état au Forum ont toutes un caractère POSITIF. Cela peut sembler aller de soi mais, noublions que lune des innovations de relations du travail qui se produit parfois se réalise au détriment de lacteur syndical, comme ont pu sen rendre compte, au début des années 1980, les contrôleurs aériens américains ainsi que les salariés du Manoir Richelieu. Ensuite, il est également important de considérer la PÉRENNITÉ des innovations. Quelques intervenants ont souligné que certaines innovations qui avaient généré beaucoup denthousiasme au moment de leur introduction ont par la suite été abandonnées. Compte tenu de lenvironnement turbulent dans lequel les entreprises évoluent, une telle éventualité nest pas surprenante, mais ce phénomène soulève toutefois la question de savoir comment recréer les conditions qui permettraient de réactiver ces pratiques jugées plus satisfaisantes que les pratiques traditionnelles.
Présentation des résultats
Lanalyse des résultats se fera en deux temps. Dans un premier temps, nous croyons que la seule énumération des thèmes est révélatrice des préoccupations qui animaient les personnes participantes. Cest pourquoi nous avons choisi de classer les innovations en différentes catégories suggérées par les thèmes des trente ateliers. Puis, dans un deuxième temps, nous examinerons plus en détails les contenus des ateliers regroupés par thèmes.
Les thèmes dateliers
Les thèmes dateliers ont été regroupés en huit catégories. Les six premières se réfèrent à des sujets dinnovations qui présentaient des affinités entre eux tandis que les deux dernières portent, dune part, sur limportance des attitudes et des comportements et, dautre part, sur des pratiques permettant, soit dassurer la pérennité des innovations, soit de faciliter la résurgence dinnovations abandonnées. Certains thèmes dateliers ont été classés dans plus dune catégorie. (Le chiffre entre parenthèses correspond à la numérotation apparaissant dans le rapport qui a été expédié aux participants.)
Linnovation dans les rapports patronaux-syndicaux abordée sous langle du partenariat
- Monopole et partenariat, est-ce possible? (7)
- Établir un partenariat efficace (11)
- Le partenariat hors crise, est-ce que ça marche? (13)
- Savoir collaborer tout en gardant son identité (18)
- Le partenariat dans un contexte de décroissance, est-ce possible? (24)
- Partenariat dans le secteur public : illusion ou réalité? (25)
- Conditions de succès du partenariat (28)
Linnovation dans les modes de négociation
- Maintenir le rythme après une négociation raisonnée (12)
- La confrontation si nécessaire, pas nécessairement la confrontation (17)
- La démocratisation et les nouvelles formes de négociation (26)
- Les conventions de longue durée ont-elles un avenir? (29)
Linnovation dans le style de gestion
- Peut-on négocier différemment sans gérer différemment? (10)
- Utiliser et garder le génie ouvrier (19)
- Comment gérer des employés au mitan de leur vie professionnelle ou comment raviver la flamme? (20)
- Comment améliorer les communications entre les comités conjoints et les employés gestionnaires qui en sont exclus? (21)
- La démocratisation et les nouvelles formes de négociation (26)
Linnovation dans lorganisation du travail
- Les conditions de réussite dune réorganisation (27)
- Flexibilité entre les métiers (9)
- Les changements dans lorganisation du travail après le départ des initiateurs (6)
- Aménagement et réduction du temps de travail (14)
Linnovation liée à la formation
- Formation et développement des individus dans les organisations (30)
- Le vieillissement de la main-duvre (16)
- Comment gérer des employés au mitan de leur vie professionnelle ou comment raviver la flamme? (20)
Linnovation dans laction syndicale
- Lintervention syndicale dans les années 2000 (23)
Limportance des attitudes et des comportements
- Transparence en relations du travail (2)
- Pratiques pour établir--rétablir la confiance (3)
- Lindividualisme et ses effets dans un milieu de travail (5)
Pratiques pour assurer la pérennité des changements ou faciliter la résurgence des innovations
- Pratiques pour réactiver lenthousiasme (1)
- Transparence en relations du travail (2)
- Pratiques pour établir--rétablir la confiance (3)
- Intérêts divergents et concertation (4)
- Les changements dans lorganisation du travail après le départ des initiateurs (6)
- Institutionnaliser la médiation (de griefs)? (8)
- Médiation préventive et formation (15)
- Quest-ce quon fait après les changements? (22)
- Maintenir le rythme après une négociation raisonnée (12)
Le contenu des innovations
Le contenu des innovations sera présenté en fonction des six premières catégories puisque les questions dattitudes et de comportements ainsi que les pratiques permettant dassurer la pérennité ou de faire resurgir les innovations y ont été incorporées.
Le partenariat patronal-syndical
Le partenariat patronal-syndical (linnovation qui a été la plus fréquemment mentionnée par les participants) a été abordé selon les différents aspects suivants : la définition que les parties lui en ont donné; linfluence du contexte; les conditions de succès; les limites ou contraintes; la dichotomie secteur privé/secteur public.
Définition du partenariat
"Volonté réciproque des parties de travailler dans un intérêt commun"
Cette définition, qui a été donnée dans un des ateliers les plus achalandés du Forum, comporte une dimension subjective et objective. Lélément subjectif est une condition sine qua non pour que le partenariat existe, soit le désir des parties de travailler ensemble pour relever des défis communs. Cependant, la situation objective dans laquelle se trouvent les parties lemployeur est en position dautorité et le syndicat se voit investi (par le Code du travail) dun rôle de contestation des décisions de lemployeur dans lorganisation constitue une barrière puissante à létablissement du partenariat. Pour que le partenariat existe, il faut donc que chaque partie accepte de modifier son rôle traditionnel dans lorganisation. Cest pourquoi les participants ont fréquemment mentionné que le partage du pouvoir, du savoir et de linformation est une condition essentielle à lexistence du partenariat.
Cette situation objective dans laquelle se trouvent les parties comporte deux autres dimensions qui constituent autant dobstacles à létablissement dun partenariat viable : la divergence au moins partielle des intérêts en cause et la complexité des relations entre les représentants des parties et leurs mandants.
Autre élément intéressant lié à la nature même du partenariat : certains participants ont souligné que le partenariat nest pas une fin en soi mais un moyen.
Linfluence du contexte sur le partenariat
Deux opinions contradictoires ont été émises à ce sujet. Pour certains, il faut une crise comme élément déclencheur pour amener les parties à sortir de leurs rôles traditionnels et à sengager dans une forme de partenariat. Pour dautres, au contraire, le partenariat doit être mis en place hors crise afin que les parties soient mieux préparées à faire face aux crises éventuelles.
Une chose est certaine, plusieurs facteurs externes peuvent remettre en question lexistence de partenariats existants : par exemple, la nécessité dopérer des réorganisations majeures, suite des modifications du contexte économique de lentreprise, entraîne souvent des réductions dans le volume de lemploi qui, si elles ne sont pas clairement justifiées, entraîneront un recul du partenariat. Par contre, certains participants ont affirmé quavec la mondialisation actuelle, on ne peut pas se permettre de refuser le partenariat.
On constate donc que linfluence du contexte peut jouer dans deux directions diamétralement opposées : dune part, une crise peut provoquer ladoption de comportements et dattitudes axés sur le partenariat; dautre part, les mesures dadaptation de lentreprise à son environnement externe (incluant les influences politiques dans le cas dune entreprise publique) peut entraîner un recul, voire labandon du partenariat.
Conditions de succès du partenariat
Plusieurs des facteurs mentionnés plus bas ont souvent aussi été identifiés comme pouvant aider à relancer une expérience de partenariat qui a connu un échec ou un recul. En voici les principaux ingrédients :
- avoir un engagement de la haute direction : sassurer de la cohérence dans le discours et laction ; revoir et même modifier la philosophie de gestion;
- maintenir ou développer un climat de confiance dans lorganisation;
- créer une ouverture au changement;
- faire intervenir un tiers neutre et qui a la confiance des 2 parties lorsquon vise le rétablissement dun partenariat après une période de turbulence;
- trouver des intérêts communs : définir ensemble les objectifs visés;
- comprendre quil y aura toujours certains intérêts divergents;
- importance dimpliquer les mandants des deux côtés et ensuite de les " éduquer " à la démarche. Respecter aussi leur rythme dadaptation au changement;
- importance des résultats : il faut que chacun y gagne quelque chose, pas seulement lemployeur. Mesurer les résultats. Diffuser fréquemment les résultats, les réussites, tant à linterne quà lexterne;
- transparence, ce qui signifie :
- parler des vrais problèmes;
- transmettre toutes les informations à lautre partie;
- capacité de recevoir linformation;
- leadership fort des deux côtés;
- respect.
- donner de la formation;
- se doter de mécanismes de résolution des conflits tels que la médiation et la formation continue, mécanismes qui permettent de rétablir les conditions du partenariat; importance de régler rapidement les problèmes;
- tenir compte des rôles de chacun et les respecter.
Les limites ou les contraintes au partenariat
Plusieurs de ces contraintes ou limites proviennent de la non réalisation des éléments mentionnés précédemment comme conditions de succès du partenariat. Néanmoins, on peut ajouter les facteurs suivants :
- la perte de contact entre les représentants syndicaux et leurs membres;
- les rivalités ou factions à lintérieur du syndicat;
- le syndicat risque de cesser de jouer son rôle de représentation vis à vis ses membres lorsquil sengage dans des fonctions de gestion trop pointues;
- la prédominance des intérêts divergents (compte tenu des enjeux organisationnels);
- la perte dappui de la haute direction ou lécart entre le discours et les actions concrètes;
- la résistance des cadres qui voient leur pouvoir diminuer;
- la résistance au changement qui peut survenir des deux côtés (il nest pas évident de sortir de son rôle traditionnel).
Particularismes propres au secteur public
Plusieurs intervenants ont souligné que la dynamique de fonctionnement des secteurs privé et public est tellement différente quil aurait presque fallu tenir deux Forums distincts.
Certaines personnes croient que le partenariat avec lÉtat est impossible tandis que dautres prétendent que le partenariat peut fonctionner à condition que lon identifie bien les sujets sur lesquels on intervient. La réorganisation du travail, par exemple, est un sujet qui peut se prêter au partenariat même dans le secteur public.
La multiplicité des intervenants, surtout du côté de lemployeur, ne facilite pas le fonctionnement dune démarche de partenariat (local / national, professionnels de la GRH / politiciens, ministères / conseil du trésor, etc.). De plus, les changements fréquents de direction de même que lintervention politique sont nuisibles aux ententes de partenariat.
Linnovation dans les modes de négociation
Ce thème est intimement lié au précédent. Dans lesprit de plusieurs intervenants, les nouvelles façons de négocier (que ce soit la négociation raisonnée, la négociation basée sur les intérêts, la négociation concertée, la négociation gagnant-gagnant ou toute autre appellation quon veut bien utiliser) doivent sappuyer sur une structure formelle de partenariat basée sur une participation active du syndicat à un nombre important de comités dont le comité de gestion de lentreprise.
Pour dautres, bien que la référence au partenariat patronal-syndical ne soit pas identifiée comme une condition sine qua non du succès des nouvelles façons de négocier, ce sont à peu près les même facteurs de succès qui sont mentionnés, à savoir :
- létablissement dun climat de confiance;
- la transparence;
- le partage de linformation;
- le respect;
- la prise en compte des intérêts convergents et divergents selon la nature des sujets abordés;
- lexistence de communications ouvertes à travers lorganisation;
- limportance de dégager des résultats concrets qui soient satisfaisants pour les deux parties;
- le maintie n par les deux parties dune approche de résolution de problèmes pendant la durée de la convention collective;
- la formation.
Cependant, comme il sagit dun thème plus pointu que le partenariat, les participants y sont allés dautres suggestions pour favoriser la pérennité des nouveaux modes de négociation. Notons particulièrement :
- lincorporation dune clause de négociation continue pour permettre la poursuite des discussions pendant la durée de la convention collective;
- linscription dans la convention des grands principes ayant guidé les négociateurs : transparence, résolution de problèmes, etc.;
- la mise en place dun processus permettant de régler le normatif au fur et à mesure que les problèmes se présentent et de conserver uniquement le monétaire pour les négociations;
- le transfert de lexpertise lors de changements au niveau des directions tant syndicale que patronale;
- la nomination dun gardien de lapproche pour aider à maintenir le cap;
- limportance dun syndicat fort, capable de défendre les intérêts de ses membres au moyen, si nécessaire, dun rapport de force.
Un aspect particulier des innovations en relations du travail concerne lintroduction de conventions collectives de longue durée. Même si leur nombre augmente et que celles-ci sont conclues dans une perspective de " paix industrielle " tout à fait cohérente avec une culture de concertation, elles remettent en question le fonctionnement habituel de laction syndicale. Avec des conventions de courte durée, les membres, par la force des choses, étaient consultés régulièrement. Il y avait aussi une impression de rapport de force plus grand. Les conventions de longue durée incitent les syndicats à faire davantage de formation et dinformation auprès de leurs membres et à adapter leurs stratégies de négociation à une nouvelle réalité dont les contours ne sont pas encore bien définis..
Linnovation dans le style de gestion
Quelques ateliers ont traité de problématiques qui référaient directement aux modes ou aux styles de gestion des entreprises. On y a fait le procès du mode autocratique de gestion tout en valorisant le style de gestion qui fait appel " au génie ouvrier ", expression suffisamment imagée pour se passer de commentaires additionnels.
Dans un atelier sur lamélioration des communications entre les comités conjoints et les employés gestionnaires, on a souligné limportance dimplanter une " culture de résolution de problèmes " basée sur " le respect des intérêts de chaque partie ". Cest dire jusquà quel point le nouveau " jargon " des relations du travail commence à envahir le champ de la gestion globale de lentreprise.
Peut-on gérer de façon traditionnelle et sengager dans des modes de négociation ou des pratiques de relations du travail innovatrices? Cest là tout un défi et plusieurs participants ont souligné quil nétait pas facile de transférer " sur le plancher " les approches de concertation développées à la table de négociation. Cest pourquoi, il faut conserver un niveau réaliste et réalisable dattentes, de façon à ce que les membres du syndicat, autant que les gestionnaires de terrain, puissent adhérer à la nouvelle approche. Cela ne doit cependant pas empêcher les deux parties de faire un travail déducation auprès de leurs mandants respectifs et, dans le cas de lemployeur, également auprès de ses cadres. Il faut aussi " travailler les résistances de chaque côté ", de façon à faciliter limplantation des nouvelles valeurs dont sinspirent les nouveaux modes de gestion.
Linnovation dans la réorganisation du travail
La réorganisation du travail a maintes fois été loccasion dexpérimenter plusieurs formes dinnovations. Les participants ont soulevé explicitement des questions importantes telles la flexibilité des métiers mais ils ont aussi évoqué des questions plus générales comme les conditions de réussite dune réorganisation ou encore les changements dans lorganisation du travail après le départ des initiateurs.
Encore une fois, les éléments clés qui ont été identifiés sinspirent des principes déjà évoqués plus haut, à savoir : informer les mandants et sassurer que ceux-ci sont engagées dans la démarche; viser lobtention de gains mutuels; sassurer de la transparence afin de maintenir le lien de confiance; établir des mécanismes conjoints de contrôle et de suivi.
Un seul point ne fait pas lunanimité, il concerne la pertinence ou non dincorporer les résultats de la démarche de réorganisation dans la convention collective. Les personnes qui sont favorables prétendent que cela permet dinstitutionnaliser le changement; celles qui sont contre soulignent quil faut éviter de recréer la dynamique conflictuelle souvent associée aux modifications de la convention collective.
Quant à la pérennité des changements, elle est fragilisée par des facteurs tels que le blocage de certains groupes ou individus une fois lexpérience en cours, lépuisement des leaders layant initié, lincapacité de modifier les pratiques administratives pour sajuster au nouvel environnement de travail, la force des traditions et des habitudes anciennes, la surcharge de travail occasionnée par les coupures de postes(car la réorganisation est souvent accompagnée dune réduction de la taille de lorganisation), le départ des leaders et larrivée de nouveaux dirigeants qui nont pas la même vision du changement et les attentes trop élevées qui peuvent aussi donner lieu à des déceptions.
Parmi les solutions avancées, la formation et le développement des compétences occupent une place importante. Un atelier a dailleurs porté exclusivement sur cette question. Loctroi et le maintien des ressources matérielles, humaines et financières nécessaires à la bonne marche de lexpérience ainsi que la diffusion dinformations à propos dexpériences similaires ayant donné des résultats positifs sont aussi des éléments qui peuvent contribuer à la vitalité et à la pérennité des changements organisationnels.
Linnovation dans certaines problématiques liées à la formation
Les ateliers consacrés à la formation et au développement des individus dans les organisations, au vieillissement de la main-duvre et à la gestion des employés au mitan de leur vie professionnelle ont fait ressortir différentes problématiques innovatrices liées à la formation, telles que le compagnonnage, le mentorat, le jumelage, lapprentissage dans laction, ainsi que létablissement de relations plus flexibles entre les programmes scolaires (secondaire et CEGEP) et lentreprise.
Linnovation dans laction syndicale
Un atelier a porté sur lintervention syndicale dans les années 2000. Il en est ressorti des observations intéressantes sur les fonctions du syndicalisme. Les syndicats doivent développer de nouvelles expertises, même si leurs rôles de défense des travailleurs et de contre-pouvoir dans lentreprise demeurent. On y a souligné les éléments suivants :
- jadis spécialiste du conflit, le syndicat est désormais davantage considéré comme un collaborateur;
- puisquil doit bien comprendre la situation économique dans laquelle lentreprise évolue, il doit développer des compétences de gestion;
- parce quil est davantage amené à prendre le pouls des employés sur le plancher, il doit améliorer ses outils de communications auprès des membres;
- il doit avoir une vision et une planification à long terme;
- il doit simpliquer dans la réorganisation du travail;
- il doit davantage impliquer les jeunes;
- il doit sintéresser aux nouvelles technologies (Internet, site web);
- il doit être prudent pour ne pas saventurer trop loin dans lexercice de fonctions qui relèvent des gestionnaires.
Conclusion
Il ne fait aucun doute que les participants au Forum étaient fortement animés dun préjugé favorable à légard des innovations en relations du travail. Un ensemble de conditions ont été identifiées comme étant essentielles au succès de toute innovation, quil sagisse du partenariat patronal-syndical, de nouveaux modes de négociation, de nouvelles façon de gérer ou encore de questions relatives à la réorganisation du travail. On peut les résumer sommairement dans les termes suivants : confiance, transparence, respect, partage du pouvoir, du savoir et de linformation, engagement, cohérence, communications dans les deux sens, implication des mandants, importance des résultats, formation, culture de résolution de problèmes. Plus les expériences de changements saccompagnent dun grand nombre de ces conditions, meilleures sont les chances de succès et de pérennité des innovations.
Par contre, il existe aussi une accumulation des facteurs qui constituent des entraves à la mise en place des innovations ou qui sont responsables de leur abandon. Certains de ces facteurs sont dorigine externe, tandis que dautres sont internes à lorganisation. Les protagonistes ayant été mêlés aux innovations ont généralement peu demprise sur les causes externes telles les fusions ou acquisitions dentreprise, les perturbations majeures du marché ou encore les ingérences politiques dans certaines organisations publiques. Leur capacité de " réparer les pots cassés " est alors tributaire de la marge de manuvre que les (nouveaux) dirigeants possèdent et de leur détermination à chercher à " raviver la flamme ".
Même sil est plus facile, en principe, dagir sur les causes internes responsables de léchec dune innovation, la côte sera cependant dautant plus difficile à remonter que lun ou lautre ou une combinaison des facteurs suivants se présentera avec acuité : des problèmes internes à lintérieur du syndicat (factions, rivalités, isolement des dirigeants vis à vis les membres), une perte dappui de la haute direction de lorganisation, une résistance majeure des cadres, la prédominance dintérêts divergents lors dune réorganisation majeure (suppression de plusieurs emplois, par exemple).
Néanmoins, un consensus semblait se dégager à leffet que les nouvelles conditions de léconomie ne laissaient guère dautres choix aux parties que de chercher des façons de sortir du modèle traditionnel de relations industrielles, même si la route des innovations est cahoteuse et parsemée dembûches. Il faut souligner cependant que les participants au Forum étaient constitués principalement de personnes provenant dorganisations patronales et syndicales ayant déjà implanté des innovations ou souhaitant en implanter dans un avenir immédiat. Leur point de vue est donc celui dune " avant-garde " au Québec. Souhaitons quil soit le plus largement diffusé afin quil déteigne le plus possible parmi lensemble de la communauté des relations industrielles.