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Ministère du Travail

Rapport synthèse du Forum d'échanges sur les innovations en relations du travail

p>Forum sur les innovations en relations du travail Montréal, Centre des congrès, 7-8 février 2000

Jean Boivin, professeur
Département des relations industrielles, Université Laval
En collaboration avec le Comité organisateur du Forum
Avril 2000

  1. Introduction  : la dynamique du changement
  2. Présentation des résultats

    1. Les thèmes d’ateliers
      1. L’innovation dans les rapports patronaux-syndicaux abordée sous l’angle du partenariat
      2. L’innovation dans les modes de négociation
      3. L’innovation dans le style de gestion
      4. L’innovation dans l’organisation du travail
      5. L’innovation liée à la formation
      6. L’innovation dans l’action syndicale
      7. L’importance des attitudes et des comportements
      8. Pratiques pour assurer la pérennité des changements ou faciliter la résurgence des innovations
    2. Le contenu des innovations
      1. Le partenariat patronal-syndical
      2. L’innovation dans les modes de négociation
      3. L’innovation dans le style de gestion
      4. L’innovation dans la réorganisation du travail
      5. L’innovation dans certaines problématiques liées à la formation
      6. L’innovation dans l’action syndicale

  3. Conclusion

Introduction  : la dynamique du changement

Afin d’aborder la présentation des résultats qui émanent du Forum, nous proposons un cadre de référence qui repose sur la dynamique du changement.

Parler d’innovations, c’est parler de CHANGEMENT. Le changement s’oppose à une situation considérée comme la façon habituelle ou normale de faire les choses; bref, le changement s’oppose au statu quo.

Même si le Forum portait sur les innovations en relations du travail, plusieurs participants ont également fait référence à des innovations concernant le fonctionnement plus général des organisations (le style de gestion de l’employeur et la réorganisation du travail notamment, ainsi qu’au fonctionnement de l’organisation syndicale). La portée des innovations dont il sera question doit donc être évaluée en fonction d’un système de relations industrielles dit " traditionnel " qui possède les caractéristiques suivantes  :

  1. Au niveau des relations du travail et du rôle du syndicat, l’accent est mis sur la divergence des intérêts entre l’employeur et les salariés et sur le nécessaire rapport de force que le syndicat doit constamment exercer pour que le bien-être de ses membres soit assuré tant lors de la négociation des conventions collectives que dans le fonctionnement quotidien de l’organisation (restriction des droits de gérance).
  2. Au niveau du style de gestion, le mode de gestion dominant est le mode autocratique.
  3. Au niveau de l’organisation du travail, c’est la division " tayloriste " du travail qui prédomine.

Un élément crucial qui a longtemps influencé le fonctionnement du système traditionnel de relations industrielles, était la stabilité de l’environnement externe. Cette stabilité permettait une croissance graduelle des organisations qui s’accompagnait d’une amélioration correspondante des conditions de travail des salariés. Même si cette période a été marquée de nombreux conflits de travail, ceux-ci étaient habituellement de courte durée et leur portée était limitée puisque les enjeux concernaient principalement la répartition plus équitable des fruits de la croissance économique. Les syndicats ne remettaient pas ou peu en question la manière autocratique de gérer des entreprises ni la division tayloriste du travail et les employeurs ne cherchaient ni à faire des syndicats des partenaires dans l’entreprise ni (à l’autre extrême) à se débarrasser de ceux-ci.

Les changements dans l’environnement externe des entreprises, caractérisés par la mondialisation des échanges commerciaux et l’intensification de la concurrence dans le secteur privé et par les difficultés financières des différents niveaux de gouvernement, ont bouleversé tout cela. Finie la croissance stable qui permettait d’assurer une hausse constante du niveau de vie des salariés et d’incorporer certains changements de façon graduelle via la négociation de positions. Désormais, l’emphase n’est plus mise sur la répartition de la richesse mais sur la création de celle-ci. Les entreprises remettent de plus en plus en question leur style de gestion ainsi que l’organisation tayloriste du travail et, comme le titre d’un atelier l’a si bien évoqué, elles doivent maintenant faire appel au " génie ouvrier " pour tirer leur épingle du jeu.

Cette transformation du contexte a aussi eu pour effet de remettre en question les méthodes d’action traditionnelles des organisations syndicales. D’un côté, l’intensification de la concurrence et les risques de fermeture d’entreprises ont réduit substantiellement leur pouvoir de négociation; de l’autre, plusieurs employeurs ont cherché à associer le syndicat à des démarches conjointes de transformations organisationnelles. C’est pourquoi, on a assisté à une diminution importante tant du nombre que de l’intensité des conflits de travail (mesurée en jours/personnes de travail perdus) au cours des quinze dernières années. Malgré tout, lorsque les enjeux de la réorganisation sont trop grands ou que les parties ne font pas la même lecture des pressions de l’environnement, des conflits surgissent néanmoins et ceux-ci sont parfois même plus longs et le dénouement plus dramatique que ceux des années passées.

Deux autres considérations sont à souligner. D’abord, les innovations dont les participants ont fait état au Forum ont toutes un caractère POSITIF. Cela peut sembler aller de soi mais, n’oublions que l’une des innovations de relations du travail qui se produit parfois se réalise au détriment de l’acteur syndical, comme ont pu s’en rendre compte, au début des années 1980, les contrôleurs aériens américains ainsi que les salariés du Manoir Richelieu. Ensuite, il est également important de considérer la PÉRENNITÉ des innovations. Quelques intervenants ont souligné que certaines innovations qui avaient généré beaucoup d’enthousiasme au moment de leur introduction ont par la suite été abandonnées. Compte tenu de l’environnement turbulent dans lequel les entreprises évoluent, une telle éventualité n’est pas surprenante, mais ce phénomène soulève toutefois la question de savoir comment recréer les conditions qui permettraient de réactiver ces pratiques jugées plus satisfaisantes que les pratiques traditionnelles.

Présentation des résultats

L’analyse des résultats se fera en deux temps. Dans un premier temps, nous croyons que la seule énumération des thèmes est révélatrice des préoccupations qui animaient les personnes participantes. C’est pourquoi nous avons choisi de classer les innovations en différentes catégories suggérées par les thèmes des trente ateliers. Puis, dans un deuxième temps, nous examinerons plus en détails les contenus des ateliers regroupés par thèmes.

Les thèmes d’ateliers

Les thèmes d’ateliers ont été regroupés en huit catégories. Les six premières se réfèrent à des sujets d’innovations qui présentaient des affinités entre eux tandis que les deux dernières portent, d’une part, sur l’importance des attitudes et des comportements et, d’autre part, sur des pratiques permettant, soit d’assurer la pérennité des innovations, soit de faciliter la résurgence d’innovations abandonnées. Certains thèmes d’ateliers ont été classés dans plus d’une catégorie. (Le chiffre entre parenthèses correspond à la numérotation apparaissant dans le rapport qui a été expédié aux participants.)

L’innovation dans les rapports patronaux-syndicaux abordée sous l’angle du partenariat

  • Monopole et partenariat, est-ce possible? (7)
  • Établir un partenariat efficace (11)
  • Le partenariat hors crise, est-ce que ça marche? (13)
  • Savoir collaborer tout en gardant son identité (18)
  • Le partenariat dans un contexte de décroissance, est-ce possible? (24)
  • Partenariat dans le secteur public  : illusion ou réalité? (25)
  • Conditions de succès du partenariat (28)

L’innovation dans les modes de négociation

  • Maintenir le rythme après une négociation raisonnée (12)
  • La confrontation si nécessaire, pas nécessairement la confrontation (17)
  • La démocratisation et les nouvelles formes de négociation (26)
  • Les conventions de longue durée ont-elles un avenir? (29)

L’innovation dans le style de gestion

  • Peut-on négocier différemment sans gérer différemment? (10)
  • Utiliser et garder le génie ouvrier (19)
  • Comment gérer des employés au mitan de leur vie professionnelle ou comment raviver la flamme? (20)
  • Comment améliorer les communications entre les comités conjoints et les employés – gestionnaires qui en sont exclus? (21)
  • La démocratisation et les nouvelles formes de négociation (26)

L’innovation dans l’organisation du travail

  • Les conditions de réussite d’une réorganisation (27)
  • Flexibilité entre les métiers (9)
  • Les changements dans l’organisation du travail après le départ des initiateurs (6)
  • Aménagement et réduction du temps de travail (14)

L’innovation liée à la formation

  • Formation et développement des individus dans les organisations (30)
  • Le vieillissement de la main-d’œuvre (16)
  • Comment gérer des employés au mitan de leur vie professionnelle ou comment raviver la flamme? (20)

L’innovation dans l’action syndicale

  • L’intervention syndicale dans les années 2000 (23)

L’importance des attitudes et des comportements

  • Transparence en relations du travail (2)
  • Pratiques pour établir--rétablir la confiance (3)
  • L’individualisme et ses effets dans un milieu de travail (5)

Pratiques pour assurer la pérennité des changements ou faciliter la résurgence des innovations

  • Pratiques pour réactiver l’enthousiasme (1)
  • Transparence en relations du travail (2)
  • Pratiques pour établir--rétablir la confiance (3)
  • Intérêts divergents et concertation (4)
  • Les changements dans l’organisation du travail après le départ des initiateurs (6)
  • Institutionnaliser la médiation (de griefs)? (8)
  • Médiation préventive et formation (15)
  • Qu’est-ce qu’on fait après les changements? (22)
  • Maintenir le rythme après une négociation raisonnée (12)

Le contenu des innovations

Le contenu des innovations sera présenté en fonction des six premières catégories puisque les questions d’attitudes et de comportements ainsi que les pratiques permettant d’assurer la pérennité ou de faire resurgir les innovations y ont été incorporées.

Le partenariat patronal-syndical

Le partenariat patronal-syndical (l’innovation qui a été la plus fréquemment mentionnée par les participants) a été abordé selon les différents aspects suivants : la définition que les parties lui en ont donné; l’influence du contexte; les conditions de succès; les limites ou contraintes; la dichotomie secteur privé/secteur public.

Définition du partenariat

"Volonté réciproque des parties de travailler dans un intérêt commun"

Cette définition, qui a été donnée dans un des ateliers les plus achalandés du Forum, comporte une dimension subjective et objective. L’élément subjectif est une condition sine qua non pour que le partenariat existe, soit le désir des parties de travailler ensemble pour relever des défis communs. Cependant, la situation objective dans laquelle se trouvent les parties – l’employeur est en position d’autorité et le syndicat se voit investi (par le Code du travail) d’un rôle de contestation des décisions de l’employeur dans l’organisation – constitue une barrière puissante à l’établissement du partenariat. Pour que le partenariat existe, il faut donc que chaque partie accepte de modifier son rôle traditionnel dans l’organisation. C’est pourquoi les participants ont fréquemment mentionné que le partage du pouvoir, du savoir et de l’information est une condition essentielle à l’existence du partenariat.

Cette situation objective dans laquelle se trouvent les parties comporte deux autres dimensions qui constituent autant d’obstacles à l’établissement d’un partenariat viable : la divergence au moins partielle des intérêts en cause et la complexité des relations entre les représentants des parties et leurs mandants.

Autre élément intéressant lié à la nature même du partenariat : certains participants ont souligné que le partenariat n’est pas une fin en soi mais un moyen.

L’influence du contexte sur le partenariat

Deux opinions contradictoires ont été émises à ce sujet. Pour certains, il faut une crise comme élément déclencheur pour amener les parties à sortir de leurs rôles traditionnels et à s’engager dans une forme de partenariat. Pour d’autres, au contraire, le partenariat doit être mis en place hors crise afin que les parties soient mieux préparées à faire face aux crises éventuelles.

Une chose est certaine, plusieurs facteurs externes peuvent remettre en question l’existence de partenariats existants : par exemple, la nécessité d’opérer des réorganisations majeures, suite des modifications du contexte économique de l’entreprise, entraîne souvent des réductions dans le volume de l’emploi qui, si elles ne sont pas clairement justifiées, entraîneront un recul du partenariat. Par contre, certains participants ont affirmé qu’avec la mondialisation actuelle, on ne peut pas se permettre de refuser le partenariat.

On constate donc que l’influence du contexte peut jouer dans deux directions diamétralement opposées : d’une part, une crise peut provoquer l’adoption de comportements et d’attitudes axés sur le partenariat; d’autre part, les mesures d’adaptation de l’entreprise à son environnement externe (incluant les influences politiques dans le cas d’une entreprise publique) peut entraîner un recul, voire l’abandon du partenariat.

Conditions de succès du partenariat

Plusieurs des facteurs mentionnés plus bas ont souvent aussi été identifiés comme pouvant aider à relancer une expérience de partenariat qui a connu un échec ou un recul. En voici les principaux ingrédients :

  • avoir un engagement de la haute direction  : s’assurer de la cohérence dans le discours et l’action ; revoir et même modifier la philosophie de gestion;
  • maintenir ou développer un climat de confiance dans l’organisation;
  • créer une ouverture au changement;
  • faire intervenir un tiers neutre et qui a la confiance des 2 parties lorsqu’on vise le rétablissement d’un partenariat après une période de turbulence;
  • trouver des intérêts communs  : définir ensemble les objectifs visés;
  • comprendre qu’il y aura toujours certains intérêts divergents;
  • importance d’impliquer les mandants des deux côtés et ensuite de les " éduquer " à la démarche. Respecter aussi leur rythme d’adaptation au changement;
  • importance des résultats  : il faut que chacun y gagne quelque chose, pas seulement l’employeur. Mesurer les résultats. Diffuser fréquemment les résultats, les réussites, tant à l’interne qu’à l’externe;
  • transparence, ce qui signifie  :
    • parler des vrais problèmes;
    • transmettre toutes les informations à l’autre partie;
    • capacité de recevoir l’information;
    • leadership fort des deux côtés;
    • respect.
  • donner de la formation;
  • se doter de mécanismes de résolution des conflits tels que la médiation et la formation continue, mécanismes qui permettent de rétablir les conditions du partenariat; importance de régler rapidement les problèmes;
  • tenir compte des rôles de chacun et les respecter.
Les limites ou les contraintes au partenariat

Plusieurs de ces contraintes ou limites proviennent de la non réalisation des éléments mentionnés précédemment comme conditions de succès du partenariat. Néanmoins, on peut ajouter les facteurs suivants  :

  • la perte de contact entre les représentants syndicaux et leurs membres;
  • les rivalités ou factions à l’intérieur du syndicat;
  • le syndicat risque de cesser de jouer son rôle de représentation vis à vis ses membres lorsqu’il s’engage dans des fonctions de gestion trop pointues;
  • la prédominance des intérêts divergents (compte tenu des enjeux organisationnels);
  • la perte d’appui de la haute direction ou l’écart entre le discours et les actions concrètes;
  • la résistance des cadres qui voient leur pouvoir diminuer;
  • la résistance au changement qui peut survenir des deux côtés (il n’est pas évident de sortir de son rôle traditionnel).
Particularismes propres au secteur public

Plusieurs intervenants ont souligné que la dynamique de fonctionnement des secteurs privé et public est tellement différente qu’il aurait presque fallu tenir deux Forums distincts.

Certaines personnes croient que le partenariat avec l’État est impossible tandis que d’autres prétendent que le partenariat peut fonctionner à condition que l’on identifie bien les sujets sur lesquels on intervient. La réorganisation du travail, par exemple, est un sujet qui peut se prêter au partenariat même dans le secteur public.

La multiplicité des intervenants, surtout du côté de l’employeur, ne facilite pas le fonctionnement d’une démarche de partenariat (local / national, professionnels de la GRH / politiciens, ministères / conseil du trésor, etc.). De plus, les changements fréquents de direction de même que l’intervention politique sont nuisibles aux ententes de partenariat.

L’innovation dans les modes de négociation

Ce thème est intimement lié au précédent. Dans l’esprit de plusieurs intervenants, les nouvelles façons de négocier (que ce soit la négociation raisonnée, la négociation basée sur les intérêts, la négociation concertée, la négociation gagnant-gagnant ou toute autre appellation qu’on veut bien utiliser) doivent s’appuyer sur une structure formelle de partenariat basée sur une participation active du syndicat à un nombre important de comités dont le comité de gestion de l’entreprise.

Pour d’autres, bien que la référence au partenariat patronal-syndical ne soit pas identifiée comme une condition sine qua non du succès des nouvelles façons de négocier, ce sont à peu près les même facteurs de succès qui sont mentionnés, à savoir :

  • l’établissement d’un climat de confiance;
  • la transparence;
  • le partage de l’information;
  • le respect;
  • la prise en compte des intérêts convergents et divergents selon la nature des sujets abordés;
  • l’existence de communications ouvertes à travers l’organisation;
  • l’importance de dégager des résultats concrets qui soient satisfaisants pour les deux parties;
  • le maintie
  • n par les deux parties d’une approche de résolution de problèmes pendant la durée de la convention collective;
  • la formation.

Cependant, comme il s’agit d’un thème plus pointu que le partenariat, les participants y sont allés d’autres suggestions pour favoriser la pérennité des nouveaux modes de négociation. Notons particulièrement  :

  • l’incorporation d’une clause de négociation continue pour permettre la poursuite des discussions pendant la durée de la convention collective;
  • l’inscription dans la convention des grands principes ayant guidé les négociateurs  : transparence, résolution de problèmes, etc.;
  • la mise en place d’un processus permettant de régler le normatif au fur et à mesure que les problèmes se présentent et de conserver uniquement le monétaire pour les négociations;
  • le transfert de l’expertise lors de changements au niveau des directions tant syndicale que patronale;
  • la nomination d’un gardien de l’approche pour aider à maintenir le cap;
  • l’importance d’un syndicat fort, capable de défendre les intérêts de ses membres au moyen, si nécessaire, d’un rapport de force.

Un aspect particulier des innovations en relations du travail concerne l’introduction de conventions collectives de longue durée. Même si leur nombre augmente et que celles-ci sont conclues dans une perspective de " paix industrielle " tout à fait cohérente avec une culture de concertation, elles remettent en question le fonctionnement habituel de l’action syndicale. Avec des conventions de courte durée, les membres, par la force des choses, étaient consultés régulièrement. Il y avait aussi une impression de rapport de force plus grand. Les conventions de longue durée incitent les syndicats à faire davantage de formation et d’information auprès de leurs membres et à adapter leurs stratégies de négociation à une nouvelle réalité dont les contours ne sont pas encore bien définis..

L’innovation dans le style de gestion

Quelques ateliers ont traité de problématiques qui référaient directement aux modes ou aux styles de gestion des entreprises. On y a fait le procès du mode autocratique de gestion tout en valorisant le style de gestion qui fait appel " au génie ouvrier ", expression suffisamment imagée pour se passer de commentaires additionnels.

Dans un atelier sur l’amélioration des communications entre les comités conjoints et les employés gestionnaires, on a souligné l’importance d’implanter une " culture de résolution de problèmes " basée sur " le respect des intérêts de chaque partie ". C’est dire jusqu’à quel point le nouveau " jargon " des relations du travail commence à envahir le champ de la gestion globale de l’entreprise.

Peut-on gérer de façon traditionnelle et s’engager dans des modes de négociation ou des pratiques de relations du travail innovatrices? C’est là tout un défi et plusieurs participants ont souligné qu’il n’était pas facile de transférer " sur le plancher " les approches de concertation développées à la table de négociation. C’est pourquoi, il faut conserver un niveau réaliste et réalisable d’attentes, de façon à ce que les membres du syndicat, autant que les gestionnaires de terrain, puissent adhérer à la nouvelle approche. Cela ne doit cependant pas empêcher les deux parties de faire un travail d’éducation auprès de leurs mandants respectifs et, dans le cas de l’employeur, également auprès de ses cadres. Il faut aussi " travailler les résistances de chaque côté ", de façon à faciliter l’implantation des nouvelles valeurs dont s’inspirent les nouveaux modes de gestion.

L’innovation dans la réorganisation du travail

La réorganisation du travail a maintes fois été l’occasion d’expérimenter plusieurs formes d’innovations. Les participants ont soulevé explicitement des questions importantes telles la flexibilité des métiers mais ils ont aussi évoqué des questions plus générales comme les conditions de réussite d’une réorganisation ou encore les changements dans l’organisation du travail après le départ des initiateurs.

Encore une fois, les éléments clés qui ont été identifiés s’inspirent des principes déjà évoqués plus haut, à savoir  : informer les mandants et s’assurer que ceux-ci sont engagées dans la démarche; viser l’obtention de gains mutuels; s’assurer de la transparence afin de maintenir le lien de confiance; établir des mécanismes conjoints de contrôle et de suivi.

Un seul point ne fait pas l’unanimité, il concerne la pertinence ou non d’incorporer les résultats de la démarche de réorganisation dans la convention collective. Les personnes qui sont favorables prétendent que cela permet d’institutionnaliser le changement; celles qui sont contre soulignent qu’il faut éviter de recréer la dynamique conflictuelle souvent associée aux modifications de la convention collective.

Quant à la pérennité des changements, elle est fragilisée par des facteurs tels que le blocage de certains groupes ou individus une fois l’expérience en cours, l’épuisement des leaders l’ayant initié, l’incapacité de modifier les pratiques administratives pour s’ajuster au nouvel environnement de travail, la force des traditions et des habitudes anciennes, la surcharge de travail occasionnée par les coupures de postes(car la réorganisation est souvent accompagnée d’une réduction de la taille de l’organisation), le départ des leaders et l’arrivée de nouveaux dirigeants qui n’ont pas la même vision du changement et les attentes trop élevées qui peuvent aussi donner lieu à des déceptions.

Parmi les solutions avancées, la formation et le développement des compétences occupent une place importante. Un atelier a d’ailleurs porté exclusivement sur cette question. L’octroi et le maintien des ressources matérielles, humaines et financières nécessaires à la bonne marche de l’expérience ainsi que la diffusion d’informations à propos d’expériences similaires ayant donné des résultats positifs sont aussi des éléments qui peuvent contribuer à la vitalité et à la pérennité des changements organisationnels.

L’innovation dans certaines problématiques liées à la formation

Les ateliers consacrés à la formation et au développement des individus dans les organisations, au vieillissement de la main-d’œuvre et à la gestion des employés au mitan de leur vie professionnelle ont fait ressortir différentes problématiques innovatrices liées à la formation, telles que le compagnonnage, le mentorat, le jumelage, l’apprentissage dans l’action, ainsi que l’établissement de relations plus flexibles entre les programmes scolaires (secondaire et CEGEP) et l’entreprise.

L’innovation dans l’action syndicale

Un atelier a porté sur l’intervention syndicale dans les années 2000. Il en est ressorti des observations intéressantes sur les fonctions du syndicalisme. Les syndicats doivent développer de nouvelles expertises, même si leurs rôles de défense des travailleurs et de contre-pouvoir dans l’entreprise demeurent. On y a souligné les éléments suivants  :

  • jadis spécialiste du conflit, le syndicat est désormais davantage considéré comme un collaborateur;
  • puisqu’il doit bien comprendre la situation économique dans laquelle l’entreprise évolue, il doit développer des compétences de gestion;
  • parce qu’il est davantage amené à prendre le pouls des employés sur le plancher, il doit améliorer ses outils de communications auprès des membres;
  • il doit avoir une vision et une planification à long terme;
  • il doit s’impliquer dans la réorganisation du travail;
  • il doit davantage impliquer les jeunes;
  • il doit s’intéresser aux nouvelles technologies (Internet, site web);
  • il doit être prudent pour ne pas s’aventurer trop loin dans l’exercice de fonctions qui relèvent des gestionnaires.

Conclusion

Il ne fait aucun doute que les participants au Forum étaient fortement animés d’un préjugé favorable à l’égard des innovations en relations du travail. Un ensemble de conditions ont été identifiées comme étant essentielles au succès de toute innovation, qu’il s’agisse du partenariat patronal-syndical, de nouveaux modes de négociation, de nouvelles façon de gérer ou encore de questions relatives à la réorganisation du travail. On peut les résumer sommairement dans les termes suivants  : confiance, transparence, respect, partage du pouvoir, du savoir et de l’information, engagement, cohérence, communications dans les deux sens, implication des mandants, importance des résultats, formation, culture de résolution de problèmes. Plus les expériences de changements s’accompagnent d’un grand nombre de ces conditions, meilleures sont les chances de succès et de pérennité des innovations.

Par contre, il existe aussi une accumulation des facteurs qui constituent des entraves à la mise en place des innovations ou qui sont responsables de leur abandon. Certains de ces facteurs sont d’origine externe, tandis que d’autres sont internes à l’organisation. Les protagonistes ayant été mêlés aux innovations ont généralement peu d’emprise sur les causes externes telles les fusions ou acquisitions d’entreprise, les perturbations majeures du marché ou encore les ingérences politiques dans certaines organisations publiques. Leur capacité de " réparer les pots cassés " est alors tributaire de la marge de manœuvre que les (nouveaux) dirigeants possèdent et de leur détermination à chercher à " raviver la flamme ".

Même s’il est plus facile, en principe, d’agir sur les causes internes responsables de l’échec d’une innovation, la côte sera cependant d’autant plus difficile à remonter que l’un ou l’autre ou une combinaison des facteurs suivants se présentera avec acuité  : des problèmes internes à l’intérieur du syndicat (factions, rivalités, isolement des dirigeants vis à vis les membres), une perte d’appui de la haute direction de l’organisation, une résistance majeure des cadres, la prédominance d’intérêts divergents lors d’une réorganisation majeure (suppression de plusieurs emplois, par exemple).

Néanmoins, un consensus semblait se dégager à l’effet que les nouvelles conditions de l’économie ne laissaient guère d’autres choix aux parties que de chercher des façons de sortir du modèle traditionnel de relations industrielles, même si la route des innovations est cahoteuse et parsemée d’embûches. Il faut souligner cependant que les participants au Forum étaient constitués principalement de personnes provenant d’organisations patronales et syndicales ayant déjà implanté des innovations ou souhaitant en implanter dans un avenir immédiat. Leur point de vue est donc celui d’une " avant-garde " au Québec. Souhaitons qu’il soit le plus largement diffusé afin qu’il déteigne le plus possible parmi l’ensemble de la communauté des relations industrielles.