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Ministère du Travail

Des pratiques innovantes dans la fonction publique

Étude de cas

Des pratiques innovantes dans la fonction publique


Martin Blais, Direction de la recherche et de l’innovation en milieu de travail, ministère du Travail

     

Entre 2008 et mai 2014, la fonction publique québécoise a réduit le nombre de ses griefs actifs de 12 000 à 7000. Pour sortir de l’impasse de 2008, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) et le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) ont trouvé des solutions pour prévenir les litiges et régler plus rapidement les conflits. Un exposé enthousiaste par des acteurs concernés : M. Rhéal St-Pierre1 et Mme Caroline Pelland2, gestionnaires du SCT, ainsi que MM. Christian Daigle3 et Julien Marquis4 du SFPQ. 

En 2008, la majorité des quelque 12 000 griefs actifs concernait des membres du SFPQ. Et c’était sans compter les griefs pour harcèlement psychologique. Le nombre de griefs était tel que, même sans le dépôt de nouveaux griefs, les parties en auraient eu pour une dizaine d’années à tous les traiter. « Impossible de régler tout ça », constatent les parties. Le moment était donc venu d’agir ensemble afin de sortir de cette situation problématique! Ajoutons à cela que, en moyenne, il y avait, à ce moment-là, trois ans d’attente avant qu’un grief soit entendu, pour un coût d’environ 15 000 $ par grief, ce qui représentait une somme importante aux yeux des parties. Enfin, la majorité des désistements survenaient moins de 30 jours avant la date de l’arbitrage, ce qui engendrait des coûts énormes d’annulation.

Nouvelles pratiques innovantes pour prévenir et régler des litiges

Afin d’améliorer la situation, le Secrétariat élabore une nouvelle stratégie de gestion des ressources humaines axée davantage sur la prévention des conflits, le règlement rapide des litiges, de même que sur les meilleures pratiques reconnues (« benchmarking »). Des pratiques nouvelles ont ainsi émergé.

Projet pilote de médiation au ministère des Transports — Depuis plusieurs années, le SCT et le SFPQ posaient des gestes conjoints pour améliorer le processus de règlement des griefs. Le but de ce projet pilote était de traiter les griefs du SFPQ toujours actifs et de trouver des solutions communes pour prévenir l’apparition d’autres griefs. On a mis en place un comité paritaire de six personnes qui, au début, se réunissait chaque semaine. Les rencontres ont engendré non seulement des discussions positives entre les parties, mais aussi, et surtout, la création d’une grille d’analyse. Cette grille a permis de régler plus facilement les griefs et de mieux expliquer les décisions aux membres du Syndicat ou aux conseillers en gestion des ressources humaines.

Projet de règlement des litiges Mis en place par le SCT, ce projet vise deux objectifs : la prévention des conflits et le règlement des litiges. Dans le cadre de ce projet, le SCT s’est associé au SFPQ pour élaborer des actions conjointes. 

Autres actions importantes — Dans la convention collective 2010-2015 des fonctionnaires, plusieurs dispositions ont pour but d’améliorer le règlement des griefs. Ainsi, une rencontre obligatoire d’échange et d’information est prévue entre les parties dans les 180 jours suivant la présentation du grief (art. 3-12.12), tout comme des rencontres de mise à jour semestrielles (art. 3-12.17) et des modes alternatifs de règlement des griefs (art. 3-12.18 à 3-12.20).

Plusieurs autres actions ont été posées paritairement afin de prévenir des conflits et de régler les litiges. Par exemple, pour éviter les pertes de temps lors de l’arbitrage ainsi que les annulations, les parties se sont entendues pour créer un rôle principal de griefs, de même qu’un rôle secondaire composé de dossiers substituts, au cas où les premiers seraient réglés avant l’étape de l’audition.

Mentionnons également une formation sur « la négociation basée sur les intérêts » à l’intention des conseillers en relations de travail et des représentants locaux. Elle a été donnée en juin 2012 à une centaine de personnes réparties en groupes de dix personnes. Aux dires des parties, cette formation a favorisé la « déjudiciarisation » du processus de règlement des griefs et a suscité des discussions franches entre les parties.

Par ailleurs, un plan d’action, conçu par le SCT pour 2014-2015, comprendra une quinzaine de mesures actuellement en développement. Si le plan reprend les deux aspects du projet de règlement des litiges, il en intègre un troisième : le développement d’une vision commune avec le Syndicat au sujet du règlement des litiges.

Améliorer la communication réduit le nombre et la durée de traitement des griefs

Les nouvelles pratiques ont eu des résultats prometteurs. Les parties communiquent davantage et plus efficacement. Le nombre de griefs a diminué de même que leur durée de traitement.

Les parties ont cependant aussi constaté certains points à améliorer dans leur démarche d’implantation de pratiques innovantes. Ainsi, malgré l’intérêt concernant l’utilisation des modes alternatifs de règlement, il semble que :

  • le traitement des griefs n’est souvent pas une priorité pour les parties au niveau local;
  • il y a souvent un manque d’uniformité dans l’application de la convention collective;
  • plusieurs conseillers aux griefs sont inexpérimentés, ce qui peut nuire au processus;
  • les parties sous-traitent parfois leurs griefs aux procureurs et aux arbitres.  

Enfin, il est ressorti de la rencontre que, pour créer des pratiques performantes en matière de traitement des litiges, il est important :

  • d’opérer un changement de culture et de passer de la confrontation à la collaboration;
  • de responsabiliser les acteurs à l’importance de ce changement de culture pour le traitement des litiges;
  • d’outiller les intervenants de façon plus adéquate;
  • de s’assurer du respect de la procédure;
  • de regrouper, si possible, les griefs lors de leur traitement pour en faciliter le règlement.

En somme, les parties ont insisté sur l’importance d’utiliser efficacement l’arbitrage traditionnel tout en faisant la promotion des modes alternatifs de règlement. Vu sa taille et sa complexité, la fonction publique constitue un creuset idéal d’expérimentations. En ce sens, l’expérience SFPQ— Secrétariat du Conseil du Trésor le démontre bien.

Pour en savoir plus :

 

Fonction publique, SCT et SFPQ : un trio indissociable

La fonction publique, avec près de 58 000 employés (« équivalents temps complet »), constitue un des plus grands employeurs au Québec. À la grandeur du Québec, ses effectifs sont répartis dans près de 85 ministères et organismes de même que dans treize groupes de salariés. 

Créé en 1971, le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) est l'appareil administratif du Conseil du trésor. Il apporte son soutien à cette organisation et à son président en vue, notamment, de : préparer le budget annuel de dépenses, de s’assurer de sa cohérence avec la politique budgétaire du gouvernement et d’en réaliser le suivi; d’assister le gouvernement dans son rôle d’employeur, de régulateur et de coordonnateur des négociations dans les secteurs public et parapublic; d’encadrer la gestion des ressources humaines, financières, matérielles et informationnelles ainsi que d’établir les conditions d’attribution des contrats.

Selon les conventions collectives en vigueur dans la fonction publique, l’employeur est « le gouvernement du Québec, ou ses représentants désignés selon l’exercice du pouvoir concerné ou dévolu ». C’est au sous-ministre de chaque ministère et organisme d’appliquer la convention collective dans son organisation. Cependant, le SCT apporte son concours en fonction des besoins. 

Fondé en 1962 pour représenter les employés du gouvernement du Québec, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) est un syndicat indépendant qui regroupe environ 42 000 membres dans tout le Québec. Quelque 31 000 d’entre eux sont issus de la fonction publique québécoise et répartis comme suit : près de 27 000 employés de bureau et techniciens, et environ 4 000 ouvriers travaillant dans divers ministères et organismes. Les 11 000 autres membres viennent du secteur parapublic.

 

  1. Directeur général des relations de travail, il négocie les conventions collectives de la fonction publique, voit à leur application, établit le cadre normatif en matière de classification des emplois, et assume la gouvernance en matière de santé et sécurité du travail.
  2. Directrice des relations professionnelles.
  3. Vice-président national du SFPQ et responsable politique du Service des recours et des relations de travail.
  4. Coordonnateur par interim du Service des recours et des relations de travail.