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Ministère du Travail

Comité d’experts chargé de se pencher sur les besoins de protection des personnes vivant une situation de travail non traditionnelle

MISE EN CONTEXTE

Ces dernières années on a assisté à l'apparition de nouvelles modalités de fonctionnement des entreprises et de fourniture de certains services publics. Ces nouvelles façons de faire sont souvent dictées, on le sait, par le besoin de faire mieux avec moins et par le souci d’avoir une plus grande flexibilité d’opération. Peu importe leur raison d’être, ces changements ont un impact significatif sur les travailleurs et travailleuses, qu'ils aient été en poste au moment de l'introduction des changements ou embauchés postérieurement : éclatement du lien de travail, télétravail, travail à temps partiel, travail sur appel, travail autonome, relation d’emploi triangulaire (travailleurs d’agence) et autres formes de travail non traditionnel.

D'une part, ces nouvelles réalités cultivent, parfois à tort, la perception de petits entrepreneurs qu'on a de certains de ces travailleurs et travailleuses et, d'autre part, négligent de prendre en compte les besoins nouveaux des vrais travailleurs autonomes en matière de protection sociale (assurances collectives, régimes de retraite etc.), une protection qui, de manière réaliste, n'est accessible qu'aux salariés traditionnels. Pour les premiers, c'est l'exclusion sans véritable motif du régime de représentation collective prévu au Code du travailCe lien quitte le site du Secrétariat du Travail et ouvre dans une nouvelle fenêtre. qui constitue la principale source de difficulté, pour les seconds, c'est l'incapacité du régime de protection sociale, qu'il soit public ou privé, à s'adapter à leur réalité qui fait problème.

Pour mieux comprendre notre propos, qu'il suffise d'évoquer la situation vécue par les camionneurs artisans, les chauffeurs locataires de taxi de la région de Montréal, les propriétaires de machinerie forestière, les artistes et les pigistes de toute nature. Bien que certains, comme les artistes de la scène, ont accès à un régime de représentation et de négociation collective distinct, d'autres, comme les chauffeurs locataires de taxi, ont été déclarés non-salariés et d'autres encore, c'est le cas des salariés propriétaires de machinerie forestière, sont semble-t-il distingués des autres salariés du secteur forestier, bien qu'ils soient tout comme eux des salariés au sens du Code du travailCe lien quitte le site du Secrétariat du Travail et ouvre dans une nouvelle fenêtre. . À cela s'ajoute la problématique entourant le statut de nouvelles catégories de personnes travaillant dans le réseau élargi, dirions-nous, des affaires sociales, nées des suites de la volonté gouvernementale de désinstitutionnalisation (les ressources intermédiaires) et de celles dont l'existence officielle découle du besoin de répondre aux demandes de service de garde en milieu familial (responsables de service de garde en milieu familial). Sont-elles ou non des salariées au sens du Code? Certaines décisions récentes des instances du travail nous indiquent que oui.

On se rappellera que le défunt projet de loi no 182 comportait une disposition dont l'objet était d'actualiser le concept de salarié du Code du travailCe lien quitte le site du Secrétariat du Travail et ouvre dans une nouvelle fenêtre., pour couvrir ce qu'il est convenu d'appeler l'entrepreneur dépendant, selon une terminologie en usage en droit canadien des rapports collectifs du travail ou, pour reprendre les termes du projet, l'entrepreneur ou prestataire de services dépendant. L’objet de la modification proposée était de codifier, en quelque sorte, l'état de la jurisprudence sur la couverture du terme « salarié ». Il s'agissait d'éviter de stériles débats devant les instances du travail, au cas par cas, sur le véritable statut de personnes qui, sans avoir tous les attributs classiques du salariat, ne s'en trouvaient pas moins dans un tel état de subordination économique, vis à vis leur donneur d'ouvrage, que leur situation était bien plus proche de celle d'un salarié que de celle d'un entrepreneur.

La mesure ne fut pas reprise dans la loi qui a pris le relais, le projet de loi no 31, compte tenu de l’opposition dont elle a fait l’objet de la part du patronat, d'une partie de l'appareil gouvernemental et de représentants de travailleurs autonomes organisés, ces derniers s'opposant farouchement à la perte de leur statut au profit du salariat. On craignait essentiellement que la disposition ait une portée plus grande que celles équivalentes inscrites dans les autres lois canadiennes du travail lui ayant servi de modèles. On redoutait alors que l'ensemble des travailleurs autonomes se retrouvent assujettis, quels que soient leurs intérêts particuliers, et parfois même contre leur volonté, au même régime de rapports de travail que celui conçu pour s'appliquer au travailleur à plein temps dans un milieu industriel. À une nouvelle forme d'organisation du travail se serait donc appliqué un régime conçu dans les années quarante!

La réaction soulevée par la proposition d'actualiser le concept de « salarié » n’indique pas qu’il soit inapproprié de se préoccuper de l’évolution du lien de travail, mais suggère plutôt, croyons-nous, de ne pas limiter l'intervention au seul contexte des rapports collectifs du travail encadrés par le Code du travailCe lien quitte le site du Secrétariat du Travail et ouvre dans une nouvelle fenêtre.. En effet, l'entrepreneur dépendant, tel que l'entendent les lois semblables au Code, ailleurs au Canada, ne recoupe, à l'évidence, qu'une mince partie des personnes que le discours populaire chapeaute du vocable de travailleurs autonomes ou, plus largement de travailleurs atypiques. Leurs besoins peuvent être classés dans deux catégories : des mesures de protection sociale adaptées à leur situation (le cas échéant : accès à la syndicalisation, normes minimales de travail, assurances collectives et régimes de retraite), et des outils pour favoriser le travail autonome (subventions, aide à la création d’entreprises). Ce sont les mesures de protection de la première catégorie qui nous intéressent ici.

L'erreur aura sans doute été d'avoir une approche parcellaire du travail atypique, en ne limitant les propositions qu'à l'accès au régime de la représentation et de la négociation collective des conditions de travail. C'est ce qui a fait craindre aux « entrepreneurs autonomes » (ou aux vrais travailleurs autonomes si l'on veut), qui se réunissent parfois au sein d'associations dont l'offre de services communs à meilleur coût constitue la principale, sinon la seule raison d'être, la perte de leur autonomie et la disparition de l'entrepreneurship au profit d'un retour au salariat.

L'exposé qui précède tend à confirmer, selon nous, la nécessité d'avoir une approche globale (comprendre une approche sur plusieurs fronts) du nouveau salariat, étant entendu que la solution pourra très bien déborder le champ d'application du Code du travailCe lien quitte le site du Secrétariat du Travail et ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Il faut en effet se rendre à l'évidence que cette loi, bien qu'elle continue de servir adéquatement une clientèle dont la présence est encore très importante dans les milieux de travail, ne saurait être indéfiniment modifiée pour accueillir toutes ces nouvelles clientèles.